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En créant le studio Flair en 2013 avec son amie Amélie Bourgeois, Anne-Sophie Behaghel rêve d’inventer un contre-modèle aux grands laboratoires suisses ou anglo-saxons à l’origine de la plupart des parfums du marché. L’idée est de proposer aux marques des jus anticonformistes où le bizarre côtoie le classique. Après être passée par deux des grandes sociétés de création de parfums, Firmenich et Symrise, elle sait mieux que quiconque combien les enjeux commerciaux minent l’inventivité et conduisent le plus souvent à la frilosité.
Formée par Monique Schlienger à l’école Cinquième Sens, Anne-Sophie Behaghel affectionne, depuis ses premières formules, les molécules abrasives qui se télescopent avec les fleurs ou les bois plus attendus. « J’ai toujours eu une passion pour les ingrédients de synthèse abstraits dont je pressentais qu’ils me permettraient d’inventer des parfums singuliers », affirme-t-elle. A l’harmonie tranquille, quête éternelle du compositeur de parfum, elle substitue la dissonance, l’aspérité, l’accident capable de créer la surprise.
Pour parvenir à ses fins, elle marie sans crainte des molécules chimiques utilisées souvent en overdose avec les ingrédients naturels les plus nobles : la rose, le jasmin, le patchouli ou le vétiver. C’est le cas pour Atramental, de Room 1015, qui reconstitue l’odeur métallique du tatouage sur la peau en mélangeant des notes de cuir et d’encre. A travers Carboneum, du label Aether, elle imagine un accord Néoprène aussi sexy que tonitruant. Audacieuse encore, cette larme d’encens emplie de mélancolie qui coule sur la joue, composée pour Lacrima, de Liquides imaginaires.
Création après création, Anne-Sophie Behaghel dessine un manifeste esthétique qui se méfie du raisonnable et du bien élevé. « Composer des parfums qui se contentent de dupliquer la nature ne m’intéresse guère. Autant se coucher sous un arbre », s’amuse-t-elle. Anne-Sophie Behaghel a grandi à Paris, au milieu des effluves d’asphalte et de béton, sans véritables références végétales. C’est dans ce spectacle urbain qu’elle va puiser l’essentiel de ses inspirations.
Dans un sourire, elle reconnaît que le chemin fut long et cahoteux. « Au début, mes propositions bizarres étaient systématiquement rejetées. Heureusement, Amélie soumettait des jus plus rationnels et raffinés, ce qui rassurait le client. » La démocratisation des marques confidentielles et l’éducation des consommateurs permettent à ses accords d’être mieux acceptés et, même s’ils détonnent encore, ils ne choquent plus. Ainsi de la note mi-guimauve mi-violette qu’elle a signée pour le parfum Mallow, de la petite marque Sora Dora, résolument plus créative que décorative.
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